9juin721

Bataille de… Poitiers?

page 632 de l'article de 1924 du Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest (pages 632 à 642) exhumé des archives numériques Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65720z/f151L’article reproduit ci-après date du troisième trimestre de 1924. A l’époque, la grande mosquée de Paris n’existait pas encore (elle ne fut inaugurée qu’en 1926).
Il provient du Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest (Tome sixième, 3ème série, années 1922 à 1924, pages 632 à 642) et a été exhumé des archives numériques Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65720z/f151.
On sera frappé à sa lecture des nombreux parallèles avec la situation actuelle, comme, par exemple, l’arrivée des musulmans en Espagne via Ceuta (déjà !).
Mais le coeur de cet exposé consiste en la démonstration, reproduction de textes historiques à l’appui, que la description de la bataille de Poitiers emprunte de nombreux éléments à une autre bataille, moins connue mais toute aussi décisive, sinon plus, qui eut lieu onze ans plus tôt : la bataille de Toulouse du 9 juin 721, où le prince Eudes d’Aquitaine écrasa les musulmans devant Toulouse.

La durée de l’invasion Musulmane en Aquitaine fut de 40 ans après que les sarrasins furent venus, dixit les chroniqueurs de l’époque, « atout leur fames et leur enfans comme se il deussent tous jours mès habiter en France » (« avec femmes et enfants, comme pour s’installer définitivement en France »), aidés en cela par ce même prince Eudes, dans le but d’affaiblir son adversaire d’alors, Charles Martel.
Puis Eudes retourna sa veste, s’allia à Charles et chassa finalement les musulmans, car leurs bandes « plus ou moins nombreuses, allaient ravager l’Aquitaine ou la Bourgogne et revenaient chargées de butin » (cela évoque sans doute vaguement quelque chose à notre version contemporaine des « guerriers Francs » : gendarmes, policiers, juges, gardiens de prison…).
Heureusement, les musulmans, subitement occupés à des guerres intestines outre-méditerranée (le printemps arabe de leur époque…) perdirent de vue l’invasion de l’Europe. Ils la perdirent d’autant plus de vue que les guerriers Aquitains et Francs avaient douché leurs ardeurs guerrières par les victoires successives de Toulouse puis de Poitiers.

En ce début de XXIème siècle, les (ir)responsables du PS & Cie qui favorisent l’immigration musulmane pour en récolter le vote et affaiblir leurs adversaires UMP & Cie ne font rien de moins qu’exactement la même chose qu’Eudes vis à vis de Charles Martel.
Si l’on en croit les leçons de l’histoire qui n’est plus enseignée (pour soigneusement éviter que les français se disent qu’il est finalement toujours possible de refaire ce qui a déjà été fait…), PS & Cie devraient donc, au bout de 40 ans environ, retourner leur veste comme Eudes et s’allier à l’UMP & Cie pour contribuer à chasser les musulmans, qui à leur tour devraient se concentrer sur leurs guerres intestines printanières et perdre de vue l’invasion de l’Europe, douchés par les victoires des « guerriers » Suisses (interdiction des minarets) et Français (interdiction de la burka).

Si l’on considère le regroupement familial de 1973 comme le point de départ de l’invasion musulmane de la France, nous approchons, en 2011, de ces quatre décennies fatidiques de l’époque d’Eudes & Martel.
Et, en effet, pour la première fois depuis des siècles, la victoire de 721 a été officiellement commémorée à Toulouse en 2011. Les musulmans venus s’installer sur place depuis 30 ans « atout leur fames et leur enfans comme se il deussent tous jours mès habiter en France » n’ont pu, dixit la presse locale, que s’étrangler (ce n’est hélas qu’une image 🙂 )

On sent nettement (et pas seulement à Toulouse mais dans toute l’Europe), un net frémissement du ras-le-bol face à l’invasion par les mosquées, le halal, les foulards, les burkas et autres coraneries. Ce frémissement se concrétise en Europe par l’irruption sur la scène politique de personnalités comme Geert Wilders en Hollande et Oskar Freysinger en Suisse.
En France, ce frémissement se manifeste par l’irrésitible ascension de Marine « MMXII » Le Pen, d’une part, et par certains rapprochements Eudiens du PS & Cie vers certaines positions Martelienes de l’UMP & Cie. C’est par exemple, le baron Ecolo de Sevran qui demande l’intervention de l’armée et Ségolène, Princesse du Poitou, qui l’approuve ou encore Manuel Valls qui dénonçe le règne des « bandes » d’individus « qui mettent à sac des quartiers ».

Il est des Signes qui ne trompent pas : la décennie qui vient, à commencer par l’année 2012, va être cruciale.

La bataille de Poitiers

ENTRE CHARLES-MARTEL ET LES SARRASINS

L’Histoire et la légende ; origine de celle-ci.

Par le Commandant Comte LECOINTRE

Parmi les faits les plus célèbres de notre histoire, on peut citer à coup sûr la bataille livrée près de Poitiers en 732 par Charles-Martel aux Sarrasins. Il est généralement admis que cette victoire sauva la Gaule du joug des infidèles, qui auraient subi un épouvantable désastre. Tout récemment encore [Rappel : ce texte date de 1924], deux de nos écrivains les plus connus MM. Anatole France [Note : dans son roman La vie en Fleur] et Georges Goyau [Note : probablement dans son livre de 1921 Histoire religieuse de la France (sous la direction de Gabriel Hanotaux)], parlaient de cet événement, l’un pour le bénir, l’autre pour le déplorer [Note : A. F. fait dire à l’un de ses personnages que le jour le plus funeste de l’Histoire de France c’est « le jour de la bataille de Poitiers, quand, en 732, la science, l’art et la civilisation arabes reculèrent devant la barbarie franque ».]
Cependant aucun des historiens du temps ne parle de l’intention qu’auraient eue les Sarrasins de conquérir la Gaule en 732 et leurs récits ne semblent pas indiquer que la défaite des infidèles ait été aussi complète qu’on le croit généralement.

La chronique de Sigebert de Gembloux, écrite au XIIe siècle, et les grandes chroniques de Saint-Denys encore postérieures ont les premières affirmé que les Sarrasins envahirent la Gaule en 732 pour s’y installer et qu’ils subirent à Poitiers des pertes formidables.
Le très long espace de temps qui sépare la rédaction de ces chroniques de l’événement qu’elles racontent n’est pas une raison suffisante pour révoquer en doute leurs assertions, car leurs auteurs auraient pu utiliser des documents disparus aujourd’hui. Mais nous croyons pouvoir indiquer les sources anciennes auxquelles ces écrivains ont emprunté les renseignements qu’ils rapportent à l’invasion de 732 et il est facile de prouver que ces vieux récits concernent non pas la bataille de Poitiers, mais celle de Toulouse livrée onze ans auparavant. [Note : le soulignement est un ajout]
Avant de comparer et de discuter ces textes, il paraît utile de rappeler brièvement l’histoire des invasions sarrasines en Gaule.

Les Sarrasins, débarqués en Espagne en711, conquirent rapidement la péninsule et s’y installèrent en maîtres. Vers 720, ils franchirent les Pyrénées et pénétrèrent dans la Gaule gothique.
A cette époque, Eudes, duc d’Aquitaine, était en état de guerre avec Charles-Martel, contre lequel il avait marché au secours de Chilpéric et de Ragenfried. Arrivé après la défaite de ses alliés, il avait enlevé le roi et ses trésors et s’était retiré dans ses Etats, où Charles n’avait pas osé le poursuivre. Devant la menace sarrasine, Eudes écouta les propositions de paix du maire du Palais; il lui remit Chilpéric et ses trésors et en obtint, sinon des secours, au moins l’autorisation de prendre à sa solde des guerriers francs.
Il était temps ; après avoir pris Narbonne et y avoir mis garnison, les Sarrasins envahirent l’Aquitaine et assiégèrent Toulouse. Eudes marcha contre eux avec une armée d’Aquitains et de Francs. Les Musulmans vaincus s’enfuirent après avoir subi de grosses pertes.

Dans les années suivantes, les Sarrasins achevèrent, presque sans coup férir, la conquête de la Gaule gothique, c’est-à-dire du pays compris entre les Cévennes, le Rhône et la mer. Quant au reste de la Gaule, ils se contentèrent d’y faire de fructueuses razzias. Sans cesse des troupes, plus ou moins nombreuses, allaient ravager l’Aquitaine ou la Bourgogne et revenaient chargées de butin. La plus fameuse de ces expéditions est celle qui, en 723, prit et pilla la ville d’Autun; mais, partout, les vieilles annales de nos abbayes sont à cette époque remplies du récit de leurs atroces dévastations.
Eudes essaya de conjurer ce fléau en poussant à la révolte contre les Arabes le gouverneur maure de la Cerdagne qu’il savait mécontent et auquel, pour le décider, il donna même en mariage sa fille naturelle, la belle Lampégie. Cette tentative ne lui réussit guère.
D’une part, Charles, averti par ses espions, pensa que le duc voulait rompre leur traité et vint deux fois ravager l’Aquitaine dans le courant de l’année 731.
L’émir Abd-er-Rhaman, de son côté, prévenu de la trahison du gouverneur de Cerdagne, réunit une nombreuse armée et, au printemps de 732, marcha contre le rebelle, qui, surpris, fut rapidement vaincu et tué. Se voyant à la tête de troupes considérables, en une saison favorable, l’émir résolut d’aller piller l’Aquitaine, ce qui était une façon élégante d’occuper et de solder ses guerriers. Rejoignant la vallée de l’Ebre, il la remonta, passa par Pampelune et traversa le pays basque pour envahir l’Aquitaine qu’il mit à feu et à sang. Eudes essaya de disputer aux Infidèles le passage de la Garonne et de la Dordogne ; il fut écrasé. Les Sarrasins continuèrent leur marche vers le Nord, tuant, pillant et brûlant tout sur leur passage. Ils venaient de ravager et d’incendier la basilique de Saint-Hilaire et, négligeant la ville de Poitiers, trop pauvre et trop forte, ils se dirigeaient vers Tours, pour piller la riche abbaye de Saint-Martin, quand ils rencontrèrent Charles-Martel.

Du combat qui s’ensuivit, nous possédons plusieurs récits assez succincts. D’après Isidore de Beja, évêque espagnol contemporain, les Sarrasins, découragés par leurs inutiles efforts pour entamer les solides bataillons francs et démoralisés par la mort de leur chef, se seraient retirés pendant la nuit, laissant leurs tentes dressées pour tromper les Francs. Ceux-ci, ne s’étant en effet aperçus qu’assez tard le lendemain du départ des Infidèles, n’auraient pas osé les poursuivre et se seraient contentés de piller le camp. On peut dire, il est vrai, que le prélat reproduit les récits des Sarrasins qui cherchaient à pallier leur défaite. Mais le continuateur de Frédégaire, qui écrivait quatre ans après la bataille et donnait la version franque, ne contredit pas la narration d’Isidore : il parle bien d’une victoire, de nombreux morts, d’un immense butin, mais pas de la poursuite. Il parait donc certain que celle-ci n’eut pas lieu, et, comme c’est surtout dans la poursuite qu’une armée vaincue éprouve des pertes, il semble que celles des Sarrasins furent à Poitiers bien moindres qu’on le croit généralement. Certains documents nous confirment d’ailleurs dans cette opinion, en nous prouvant que, pendant leur retraite, les musulmans ne se génèrent pas pour dévaster les régions qu’ils traversaient. Pendant les années suivantes, les Sarrasins continuèrent leurs ravages. Ils occupèrent même, sur la rive gauche du Rhône, la ville d’Avignon que la trahison leur livra. Ils ne jouirent pas longtemps de leur conquête. Charles-Martel reprit la ville en 737, après un siège en règle, exploit dont les Francs se montrèrent très fiers. Passant ensuite le Rhône, il envahit la Gaule gothique, dont le gouverneur s’enferma dans Narbonne qui fut assiégée. Une armée de secours fut envoyée d’Espagne ; laissant une partie de ses troupes devant la place, Charles marcha contre elle, la vainquit et en jeta les débris dans les étangs maritimes où, d’après le continuateur de Frédégaire, les Francs les poursuivirent et en firent un grand carnage. Malgré cette victoire, Charles ne put prendre Narbonne et se retira après avoir démantelé les autres places fortes et pillé consciencieusement le pays.

Deux ans après, il faisait, d’accord avec les Lombards, une nouvelle expédition en Provence contre les musulmans et le duc Mauronte, leur allié.
Néanmoins les Sarrasins se maintinrent dans la Gaule gothique, jusqu’à ce que Pépin vint les en chasser en 757. Encore la place de Narbonne résista-t-elle au vainqueur, qui se contenta de là faire surveiller par des troupes auxquelles les habitants finirent par livrer en 759 la ville et la garnison ; il ne resta plus dès lors de Musulmans en Gaule.

Revenons maintenant à la campagne de 732 et voyons ce qu’en disent les chroniques de Sigebert et de Saint-Denys,

1° Chronique de Sigebert de Gembloux. (Traduction.)
Le duc Eudes, inférieur en tout à Charles, appelle contre lui les Sarrasins d’Espagne. Les Sarrasins, venus avec toutes leurs familles, comme pour habiter dans les Gaules, traversant la Garonne, ravagent tout et brûlent les églises de Dieu. Charles, fort de l’aide de Dieu, leur présente bataille ; il en extermine 375.000 avec leur roi Abdyrame et perd 1.500 des siens. Eudes, réconcilié avec Charles, pilla le camp des Sarrasins et écrasa les débris de leurs troupes.

2° Grandes chroniques de Saint-Denys. (Texte original.)
Quand le Dux Heudes vit que li Princes Charles l’ot einsi abatu et si humelié et que il ne se porroit vengier, se il ne querroit secors d’aucune part, il s’alia aux Sarrazins d’Espaigne et les apela en s’aide contre le Prince Charles et contre la Chrestienté. Lors issirent d Espaigne li Sarrazin et un leur Roi qui avoit nom Abdirames, atout leur fames et leur enfans et toute leur substance, en sigrant plente que nus ne le pooit nombrer ne estimer ; tout leur harnoia et quanques il avoient amenèrent avec euls, aussi comme se il deussent tous jours mès habiter en France Gironde trespassèrent, en la cité de Bourdiaus entrèrent, le peuple occistrent, les Eglises ardirent et détruirent tout le païs. Outrepassèrent jusques à Poitiers, tout mistrent à destruction, aussi comme il avoient fait à Bordiaus et ardirent l’Eglise Saint Hilaire : de quoi ce fui grans dolours. De là murent pour aler à la cité de Tours pour destruire l’Eglise Saint-Martin, la cité et toute la contrée. Là leur vint au devant li glorieux Princes Charles à quanques il pot avoir d’effors : ses batailles ordena et se feri en eula hardiement, aussi comme li leux fameilleux se fiert entre les brebis. Ou nom de la vertu nostre Seigneur la fit si grant occision des anemis de la foi crestienne que, si comme l’estoire tesmoigne, il en occist en celle bataille CCCIIIIXXV mille et leur roi qui avoit nom Abdirames. Lors fut primes apelez Martiaus par son nom : car aussi comme le martiaus brise et froisse le fer et tous les autres metaus, aussi froissoit-il et brisoit par la bataille tous ses anemis et toutes autres nacions. Si fu plus grant merveilles que il ne perdit en celle bataille de toute sa gent que mille et cinq cens personnes. Leurs tentes et leurs harnois prit tout et fist proie de quanques il avoient à li et à ses hommes… Heudes li Dux d’Aquitaine qui si merveilleux pueple de Sarrazins avoit fait venir en France, fist tant que il fut reconciliez au Prince Charles Martiau et occist puis des Sarrazins quanques il en pot trouver qui estoient eschapé de celle bataille.

Une partie de ce récit (l’alliance d’Eudes avec les Sarrasins, les ravages commis par ceux-ci, l’incendie de Saint-Hilaire, le projet de destruction de Saint-Martin) est empruntée au continuateur de Frédégaire :

Voici la traduction littérale de là chronique en question :

En ce temps-là, le duc Eudes se préparait à trahir la foi jurée ; averti par ses espions, le prince Charles mit son armée en marche, passa la Loire, mit le duc Eudes lui-même en fuite, fit un immense butin et rentra dans ses domaines, après avoir par deux fois dans cette même année ravagé l’Aquitaine. Le duc Eudes, se voyant ainsi vaincu et bafoué, appela à son aide la gente perfide des Sarrasins contre le prince Charles et la nation des Francs. Partis avec leur roi Abderrame, les Sarrasins passèrent la Garonne, parvinrent dans la ville de Bordeaux et, après avoir brûlé les églises et massacré les populations, ils s’avancèrent jusqu’à Poitiers, d’où, après avoir incendié la basilique de Saint-Hilaire, ce qui est douloureux à dire, ils partirent pour détruire l’église de Saint-Martin. Le prince Charles leur opposa audacieusement son armée et leur présenta le combat avec l’aide du Christ ; il renversa leurs tentes, vint leur livrer bataille, tua leur roi Abdérame, repoussa leur armée, l’accabla et la défit, triomphant ainsi victorieusement de ses ennemis.

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, le chroniqueur franc qui écrivait quatre ans après la bataille, ne parle pas des intentions de conquête des Sarrasins qu’il présente comme de simples pillards et, chose plus extraordinaire, il ne fait la moindre allusion aux pertes sarrasines et ne dit pas un mot de la poursuite, pas plus que du rôle d’Eudes dans la bataille. Ni la chronique d’Isidore de Béjà, ni celle de Moissac n’en parlent non plus ; le chroniqueur de Saint-Denys a emprunté tous ces renseignements à l’Histoire des Lombards de Paul Diacre, écrivain italien du VIIIe siècle.

Voici la traduction du passage en question :
En ce temps-là, les Sarrasins s’embarquant à Ceuta en Afrique, passèrent en Espagne et l’occupèrent en entier. Puis, dix ans plus tard, ils vinrent avec leurs femmes et leurs enfants en Aquitaine, province de la Gaule, comme pour y habiter. Charles était alors en discorde avec Eudes, prince d’Aquitaine ; ils se réunirent cependant et marchèrent d’un commun accord contre les Sarrasins. Les Francs, se précipitant sur ceux-ci, en tuèrent 375.000 ; du côté des Francs, au contraire, il n’y eut que 1.500 morts. Quant à Eudes, tombant avec ses troupes sur le camp des ennemis, il en tua également beaucoup et ravagea tout.

Il suffit de comparer ces trois textes pour se convaincre que les deux premiers ont fait au troisième les emprunts que nous signalons. C’est d’ailleurs l’avis de M. Paulin Paris qui, dans son édition des grandes Chroniques de Saint-Denys, dit, en note, à propos du chiffre des pertes :
«Trois cent quatre-vingt-cinq mille. Cette énumération ne se trouve que dans Paul Diacre et la chronique de Sigebert. »
M. Paulin Paris semble admettre que le texte ci-dessus de Paul Diacre concerne la bataille de Poitiers. Dom Bouquet le croyait aussi, car, dans une note à propos du récit de ce combat par le continuateur de Frédégaire, il écrit :
« Eudes s’était déjà détaché de l’alliance des Sarrasins et il aida fort bien Charles dans ce combat. (Voir Anastase, Vie de Grégoire II et Paul Diacre, Histoire des Lombards, ch. XLIX.) C’est plutôt une preuve qu’Eudes ne conclut jamais d’alliance avec les Sarrasins. »

Le commandant Saint-Hypolite, auteur d’une étude sur la bataille de Poitiers, paraît être du même avis ; car, parlant des dispositions prises par Charles, il dit :
« Pendant leurs attaques (des Sarrasins), Charles-Martel fit exécuter un mouvement sur le flanc droit des Musulmans par les troupes du duc d’Aquitaine. Le camp, où étaient leurs bagages et les non-combattants, fut enlevé; tout ce qui s’y trouvait, femmes et enfants, furent massacrés. Surpris.., les Sarrasins sont mis dans une déroute complète. »

M. Saint-Hypolite n’a pu trouver mention de cette manœuvre que dans Paul Diacre, car aucun des chroniqueurs anciens qui ont écrit sur le combat de Poitiers n’y a fait la moindre allusion et n’a même indiqué la présence du duc d’Aquitaine. Il est même difficile, pour ne pas dire impossible, de concilier la prise par Eudes du camp des Sarrasins avec les assertions formelles d’Isidore de Béjà, d’après lequel les Musulmans, en se retirant pendant la nuit, laissèrent leurs tentes montées, afin de tromper les Francs, qui en effet ne connurent le départ des ennemis que le lendemain par le rapport des patrouilles envoyées reconnaître le camp, où ils étaient surpris de n’entendre aucun bruit et de ne voir aucun mouvement.
Si l’on prend garde aux dates, il est facile de constater que le combat raconté par Paul Diacre, étant de dix ans postérieur à l’arrivée des Sarrasins en Espagne, dut avoir lieu en 721, c’est-à-dire onze ans avant la bataille de Poitiers et l’année même où Eudes remporta sur les Musulmans la victoire de Toulouse ; c’est donc ce brillant fait d’armes et non la rencontre de Poitiers que décrit l’historien lombard.
Presque tous tes détails qu’il donne peuvent en effet s’appliquer cet événement.

A cette époque les Sarrasins passèrent bien en Gaule avec leurs femmes et leurs enfants, espérant la conquérir et y demeurer comme ils l’avaient fait en Espagne; ils réussirent du reste si bien à s’installer dans la Gaule gothique qu’ils y restèrent près de 40 ans.
Charles-Martel était alors effectivement en discorde avec Eudes et les deux princes se réconcilièrent. Charles ne prit pas part, il est vrai, à la lutte contre les Sarrasins, car au même moment il guerroyait contre les Bavarois; mais beaucoup de ses sujets se joignirent aux Aquitains, Nous en trouvons la preuve formelle dans les annales de Ripoll, d’aprés lesquelles Eudes marcha au secours de Toulouse avec une armée d’Aquitains et de Francs (cum exercitu Aquitanorum vel Francorum). Or la chronique de Ripoll n’est guère qu’une copie de celle de Moissac, si bien que, le manuscrit de celle-ci étant incomplet, Dom Bouquet prit dans les annales de Ripoll ce qui était nécessaire pour combler cette lacune qui s’étendait de 717 à 776. La grande similitude des deux manuscrits nous autorise néanmoins à considérer que nous avons bien là le texte même de la Chronique de Moissac qui date du début du IXe siècle. Or un moine d’Aquitaine, presque contemporain des événements qu’il raconte, devait avoir tendance à exalter le rôle de ses compatriotes plutôt qu’à le diminuer ; pour qu’il ait mentionné les Francs au même titre que les Aquitains, dans la composition d’une armée qui remporta un aussi glorieux succès, il faut qu’ils y aient été en effet en nombre considérable. Paul Diacre, habitant un pays éloigné, est donc excusable d’avoir cru que le célèbre maire du Palais les commandait en personne.
La part prise au combat par les Francs fut-elle aussi importante que le prétend Paul et le rôle d’Eudes et des Aquitains se réduisit-il vraiment à une diversion sur le camp ennemi ? Il est impossible de le dire, aucun autre historien ne distinguant l’action des deux contingents. Mais si l’on compare la brillante victoire remportée en 721 par les Aquitains et les Francs réunis avec la défaite complète qu’Eudes essuya, quand, onze ans après, il fut livré à ses propres forces, on ne peut s’empêcher de croire que le concours des guerriers du Nord lui avait été des plus utiles à la bataille de Toulouse.

Quant aux chiffres des pertes, absolument inacceptables pour la bataille de Poitiers, peuvent ils être admis pour celle de Toulouse ?

Il parait certain que, dans ce combat, les Musulmans subirent un véritable désastre. Les annales de Ripoll prétendent que la plupart des Sarrasins y périrent (maximaque pars ibi céciadt gladio). Il ne faut, à la vérité, accepter que sous bénéfice d’inventaire cette affirmation d’un auteur aquitain naturellement porté à exagérer le triomphe des siens. Mais Isidore de Béjà, cet évêque espagnol contemporain, qui écrit d’après les récits arabes et fait du combat de Poitiers une sorte de bataille indécise, dit lui aussi que les chrétiens infligèrent près de Toulouse une grave défaite aux infidèles, tuèrent leur chef Zama avec une partie de ses troupes et poursuivirent le reste de l’armée mise en déroute. Les pertes indiquées par Paul Diacre n’en sont pas moins fortement grossies pour les Sarrasins et très diminuées pour les chrétiens. Il est d’ailleurs facile d’expliquer cette exagération.

Nous trouvons en effet dans la vie de Grégoire II par Anastase le Bibliothécaire un récit semblable à celui de Paul Diacre et se rapportant certainement au même combat. Dom Bouquet en donne deux leçons : l’une est en grande partie copiée dans l’histoire des Lombards, et mentionne notamment dans les mêmes termes l’union d’Eudes et de Charles contre les Sarrasins. Dans l’autre leçon, rédigée d’une façon différente, il n’est pas question de Charles. Mais toutes deux parlent de l’intention des Sarrasins de s’installer en France ou du moins en Aquitaine, toutes deux placent l’événement la onzième année de l’invasion sarrasine en Espagne, donc en 721 ; aucune ne mentionne l’action séparée des Francs et des Aquitains qu’elles ne distinguent même pas les uns des autres et confondent sous le nom générique de Francs; toutes deux enfin donnent pour les pertes les mêmes nombres que Paul : 375.000 Sarrasins et 1.500 Francs. Mais Anastase a soin d’ajouter que ce renseignement est tiré d’une lettre d’Eudes au Pape (ut ejusdem Eudonis Francorum Ducis missa Pontifici epistola continebal). Cette affirmation est certainement exacte, car Anastase, bibliothécaire de l’Eglise de Rome au IXe siècle, était on ne peut mieux placé pour être renseigné et a dû avoir entre les mains, sinon l’original, au moins une copie de la lettre en question. Nous trouvons là d’abord une preuve de plus que ce récit ne concerne pas le combat de Poitiers, car Grégoire II, mort en 731, n’aurait pu recevoir la nouvelle de ce fait d’armes qui n’eut lieu que l’année suivante. Connaissant l’origine de l’évaluation des pertes, nous cessons enfin de nous étonner des nombres indiqués : Eudes en effet était gascon et comme tel, enclin à l’exagération.

De tout ce qui précède nous croyons pouvoir conclure ;

1° Que les chroniques de Gembloux et de Saint-Denys ont emprunté à Paul Diacre ou à Anastase le Bibliothécaire ce qu’elles disent de l’intention des Sarrasins de conquérir la Gaule en 732 et de l’énormité des pertes subies à Poitiers par les Musulmans :

2° Que les récits de Paul et d’Anastase concernant la bataille de Toulouse, c’est à tort que les chroniques ci-dessus et tous les historiens qui s’en sont inspirés ont appliqué ces renseignements à l’expédition de 732,

Pour celle-ci, il y a donc lieu de nous en tenir aux récits des auteurs contemporains qui ne parlent pas des intentions de conquête des infidèles et d’après lesquels la défaite de ceux-ci fut loin d’être un désastre.

Il ne faudrait pas en arriver cependant à prétendre que les victoires de Charles-Martel n’ont eu presque aucune influence sur l’échec final des Sarrasins en Gaule. C’est pourtant la thèse qu’a soutenue M. Mercier dans une étude publiée, en 1878 par la Revue historique sous le titre suivant: La bataille de Poitiers et les vraies causes du recul de l’invasion arabe.

D’après cet auteur, les émirs de l’Afrique du Nord, n’ayant à leur disposition que peu de troupes arabes et ne sachant comment maintenir l’ordre parmi les populations remuantes qu’ils étaient chargés de gouverner, imaginèrent les expéditions en Espagne comme dérivatif aux instincts belliqueux de leurs administrés. La réussite inespérée de cette entreprise la rendit populaire et l’on trouva d’abord autant de volontaires qu’il était nécessaire pour la guerre d’Europe. Mais un schisme, qui éclata en Afrique [Note : un « printemps arabe » de l’époque ?], causa des luttes intestines et tarit le recrutement des armées d’outre-mer ; celles-ci, n’étant plus renforcées en proportion de leurs pertes, devinrent incapables, non seulement de prendre l’offensive, mais de conserver leurs conquêtes.

Nous ne nions pas l’influence qu’ont pu avoir les querelles religieuses sur le recrutement des armées sarrasines, mais les rudes coups que les Francs leur avaient portés n’ont pas dû produire un moindre effet. Tant que les Sarrasins n’eurent à faire qu’aux Wisigoths, il y eut pour eux beaucoup de profit et peu de risques, tous les Maures voulaient donc prendre part à ces guerres fructueuses. Mais quand ils se trouvèrent en présence des Francs, les choses changèrent; il y eut plus de coups à recevoir que de butin à conquérir, ce qui calma probablement l’ardeur des envahisseurs. La guerre cessant d’être fraîche et joueuse, il y eut moins d’empressement pour s’y rendre ; beaucoup de Maures restèrent chez eux et, comme il fallait bien s’occuper, ils reprirent les luttes intestines que l’attrait des razzias en Europe leur avaient fait suspendre.

En somme, il convient de n’exagérer ni dans un sens ni dans l’autre: Si la bataille de Poitiers n’a pas eu l’importance qui lui est généralement attribuée, il faut au moins reconnaître que les victoires de Charles-Martel ont inspiré aux Sarrasins une crainte salutaire, comme le remarque fort bien le moine de Saint-Gall qui, écrivant vers 1050, termine son récit de la campagne de 737 en disant :

« De nos jours encore cette nation redoute les terribles armes des Francs »
(Sed et usque hodie gens illa truculenta Francorum formidat arma).

2 commentaires »

  1. […] En ce début de XXIème siècle, les (ir)responsables du PS & Cie qui favorisent l’immigration musulmane pour en récolter le vote et […]

    Ping par 9 juin 721, Bataille de Toulouse ou… Bataille de Poitiers ?! « SITAmnesty — 09/06/2011 @ 14:10 | Réponse

  2. […] & Cie pour contribuer à chasser les musulmans, qui à leur tour devraient (…) La suite sur […]

    Ping par L’Histoire se répète… Toujours. « Francaisdefrance's Blog — 09/06/2011 @ 20:34 | Réponse


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